Lorsqu’on navigue sur Internet, par exemple sur YouTube, des algorithmes fonctionnent en arrière-plan pour nous proposer des contenus, dans ce cas-ci des vidéos. Les algorithmes peuvent remplir plusieurs fonctions : nous identifier par reconnaissance faciale ou vocale, calculer des itinéraires, faciliter les rencontres amoureuses, ou encore suggérer des contenus, comme c’est le cas sur Spotify, Netflix, Facebook ou le correcteur automatique de notre téléphone… parfois pour des recommandations très loufoques!
Comment fonctionne un algorithme ?
À l’image d’une recette de cuisine, un algorithme est une série d’instructions (les étapes de la recette) appliquées à des données (les ingrédients) pour aboutir à un résultat comme le site web trouvé grâce au moteur de recherche (le plat ou le gâteau réalisé!). Les instructions des algorithmes sont formulées à l’avance, à travers des opérations mathématiques. Les données, quant à elles, sont plutôt collectées à partir de ce que nous faisons en ligne – les fameux témoins ou cookies – par exemple lorsqu’on remplit un formulaire, clique sur un lien ou laisse une mention « J’aime » sur Facebook, ou encore lorsque l’on achète sur Amazon. Certains algorithmes, comme les algorithmes de recommandation, peuvent aussi tenir compte de la réputation (pour les sites institutionnels par exemple) ou de la popularité (comme les fameuses vidéos de chats) des contenus ou des profils présents sur Internet.
Mais concrètement, à quoi ça sert des algorithmes? Et comment font-ils pour si bien nous connaître?
À quoi servent les algorithmes?
Afficher de la publicité
Pour beaucoup de sites Web, les algorithmes servent avant tout à proposer de la publicité qui correspond à nos comportements et préférences en ligne. En effet, les données collectées à partir de ce que nous faisons en ligne sont analysées par les algorithmes dans le but de mieux personnaliser la publicité que l’on voit, par exemple lorsqu’on navigue sur Facebook ou Amazon. L’algorithme d’Amazon permettra de nous recommander des produits à acheter dans le futur, et celui de Spotify de nous faire de la publicité pour des spectacles. Cette finalité marketing est au cœur du système économique qui sous-tend l’utilisation des algorithmes. Par exemple, Google a généré des profits de près de 40 milliards de dollars en 2020 seulement avec les achats publicitaires.
Trier l’ordre d’apparition des publications ou des profils
Le tri des pages Web sur Google, des publications sur Facebook et des profils sur Tinder constitue une des utilisations les plus fréquentes des algorithmes de recommandation. Ces algorithmes mettent de l’avant les contenus susceptibles d’être les plus intéressants pour nous en croisant nos préférences et les contenus disponibles. Par exemple, Google fonctionne grâce à un algorithme nommé PageRank qui établit une hiérarchie des sites Web les plus intéressants pour une recherche donnée. Ce sont d’ailleurs plus de 90 000 recherches qui sont faites par seconde, soit près de 8 milliards par jour! L’algorithme de Facebook priorise quant à lui les publications de nos contacts plutôt que des «pages»
, en fonction de nos intérêts déduits à partir des mentions «j’aime» que nous avons attribuées. Sur la plupart de ces plateformes, nous pouvons contrôler partiellement les contenus que nous voyons, par exemple en gérant nos abonnements et contenus favoris ou en masquant certaines publications (voir capture d’écran tirée de Facebook).
La chambre d’écho
Plusieurs algorithmes, comme celui de Facebook, mettent en valeur des contenus ou des personnes susceptibles de nous intéresser davantage. Les propriétaires de ces algorithmes tiennent également compte des contenus qui font leur affaire, par exemple les pages qui génèrent davantage de publicité sur Facebook. Ce faisant, ils ont tendance à privilégier des opinions ou des intérêts que nous avons déjà. Si cela rend agréable notre expérience sur ces plateformes, cette manière de fonctionner contribue également à la création de chambres d’écho, c’est-à-dire des bulles faussement homogènes où l’on interagit exclusivement avec des personnes du même avis que nous et où l’on consomme des contenus similaires à ceux déjà «aimés»”. C’est l’un des phénomènes qui contribue à la polarisation des discours sur Internet.
Recommander des contenus
D’autres algorithmes nous recommandent des contenus culturels comme ceux de Netflix et de Spotify. Sur Netflix, les choix de films ou de séries proposés tiennent compte de nos antécédents de navigation sur le site, c’est-à-dire du temps passé à regarder une série, des séries terminées ou abandonnées, de l’ordre des séries écoutées ou encore de l’heure à laquelle nous regardons ces films et séries. Du côté de Spotify, l’algorithme, appelé BART, nous recommande de la musique, dont des nouveautés, selon nos goûts musicaux en fonction de notre historique d’écoute, mais également par rapport au temps passé à écouter des chansons spécifiques (30 secondes ou plus), au nombre d’écoutes d’une même chanson ainsi qu’à la popularité d’un morceau.
Rechercher des itinéraires
Nos déplacements sont aussi de plus en plus organisés par des algorithmes. Les données de géolocalisation fournies par nos appareils numériques (ordinateurs, téléphones, tablettes) fournissent de précieuses informations sur la distance et la durée de nos trajets. Ces données peuvent nourrir des logiciels, comme celui de Google Maps, afin de fournir les meilleurs itinéraires possibles selon différents modes de transport. L’utilisation de sources de données variées sur ces systèmes géographiques peut également permettre, par exemple, à des gouvernements, des municipalités ou des citoyennes et citoyens de mieux comprendre l’organisation du territoire, par exemple quels sont les commerces à proximité de mon lieu de résidence ou encore quel est le prix des logements dans mon quartier.
Pour garder les algorithmes à l’oeil
- Se rappeler que les recommandations des algorithmes ne sont que des suggestions.
- Ne pas oublier que l’information affichée est sélectionnée et hiérarchisée en fonction de ce que nous faisons en ligne et de ce qui est le plus rentable pour le fournisseur de service, ce qui tend à reproduire nos comportements passés.
- Pour éviter que nos données d’utilisation soient utilisées et revendues, on peut privilégier l’utilisation de plateformes alternatives, comme celles offertes par Framasoft, qui ne stockent pas les informations personnelles.
- Même si c’est parfois long et pénible, il est recommandé de lire les conditions d’utilisation pour vérifier comment nos informations personnelles sont stockées et utilisées.
- Pour faire des recherches, on peut alterner entre différents moteurs de recherche, comme Qwant ou DuckDuckGo. Google n’est pas le seul moteur de recherche.
- Pour découvrir de nouveaux artistes ou de nouvelles séries, on peut diversifier les plateformes de contenus culturels et découvrir BandCamp ou Kanopy.
Les algorithmes sont-ils biaisés ?
On présente souvent les algorithmes comme étant neutres. Or les données utilisées pour créer les algorithmes contiennent des biais qui témoignent du contexte historique et politique où elles ont été recueillies. S’ils peuvent nous faciliter la vie, ils peuvent aussi avoir des conséquences problématiques. Par exemple, dans le cas de Facebook, une étude a montré que l’affichage publicitaire était différent pour les femmes et les hommes, privilégiant les emplois les plus rémunérateurs pour l’affichage destiné aux hommes. C’est ce qu’on appelle des «biais algorithmiques», souvent le reflet des valeurs et croyances, conscientes ou non, de ceux et celles qui les conçoivent. Bien qu’ils soient rarement introduits de manière volontaire, ces biais renforcent les stéréotypes. Par exemple, des algorithmes d’aide à la décision dans le cas de procès surévaluent le risque que des personnes noires récidivent en cas de crime. Dans un autre cas, des algorithmes d’aide au recrutement se basent sur les caractéristiques de ceux et celles qui pratiquent des métiers pour recommander la personne à embaucher, ce qui tend à perpétuer des stéréotypes professionnels genrés dans de nombreux domaines. Pour diminuer l’impact de ces biais, plusieurs spécialistes invitent les équipes de conception à mentionner de manière explicite les choix qui guident l’élaboration de leurs algorithmes, ainsi qu’à embaucher des personnes issues de groupes diversifiés.
Pour aller plus loin
Averti aux algorithmes. Les jeunes Canadiens discutent l’intelligence artificielle et la confidentialité, Kara Brisson-Boivin et Samantha McAleese, HabiloMédias 2021
Faire la morale aux robots. Une introduction à l’éthique des algorithmes, Martin Gibert, 2020
Cet épisode du balado Ça s’explique porte sur la protection des données personnelles: Le défi de protéger nos données personnelles en ligne